Aujourd'hui, c'était ma journée d'accueil à l'école. J'ai dû me lever à six heures et demi car je partais de chez nous vers sept heures et quart pour aller chez Vanessa qui habite proche de l'école. Ça m'épargne un billet d'autobus.
J'ai mis le pantalon noir trois-quart que Tangerine m'avait donné avec mon chandail vert à manches courtes et au collet en forme de V. C'est d'ailleurs elle qui avait choisi mes vêtements la veille. En plus d'être mon amie d'enfance baveuse (bon d'accord, je lui en fais baver des fois mais ce n'est pas une histoire importante pour l'instant), elle est ma conseillère. Dans la PLUPART des situations, j'ai assez confiance en moi. Mais pour ce qui est de l'esthétique, je perds totalement le nord. Je suis malheureusement une fille comme les autres qui bénéficie de complexes. Je me demande si je suis belle. Il faut qu'on me le rappelle au moins une fois par semaine.
Je ne suis jamais sortie avec un gars. J'ai failli mais je ne suis jamais sortie. Ma mère m'en a toujours empêchée. «Pas de relations avant d'avoir terminé tes études!» disait-elle. C'est peut-être pour ça que je veux les finir au plus sacrant. Tout ça pour dire qu'aucun gars ne m'a dit que j'étais belle sauf Dirty Deeds, mon meilleur ami (non mais qu'est-ce qui t'a pris de choisir un nom pareil!). Mais bon, je ne sais pas si ça devrait compter. «Jolie» n'est pas un mot que j'apprivoise trop trop. On l'utilise pour qualifier les vêtements, les accessoires, les poupées... Mais lorsqu'il s'agit de personnes, le mot devient soudainement amer. Sébastien me trouvait
cute. C'est déjà mieux.
Donc, je suis allée à l'école accompagnée de Vanessa et deux autres personnes. J'avais pris soin d'apporter une paire de sandales avec moi pour gagner quelques pouces (même si ça ne change pas grand chose car je reste tout de même la plus petite aux yeux de tous).
On marchait tranquillement vers l'école. En entrant, une bouffée de chaleur nous est parvenue. Bon retour à l'école secondaire André-Laurendeau! Là où il fait plus chaud à l'intérieur qu'à l'extérieur. Une chance qu'hier, alors que j'étais bénévole pour accueillir les secondaire un, on passait nos pauses dans la salle de conférence climatisée.
Parlant de bénévoles, je voyais l'un d'eux dans la file devant moi. Il n'était pas vraiment difficile à rater: le haut de sa tête dépassait tout le monde qui me précédait. Ses cheveux sont longs et bruns. Ils frisent un peu au bas de son cou. Je crois que je reconnaîtrais ses cheveux n'importe où. Ils ont l'air si soyeux qu'on a le goût de passer sa main dedans. Dans mon cas, c'est peut-être aussi parce qu'ils lui appartiennent.
*
Je débarque de l'autobus 42 en même temps qu'un gars de secondaire un. Je suis sûre qu'il croit que j'en suis une également. Déterminée à prouver le contraire, je marche d'un pas confiant vers l'entrée.
J'aperçois quatre autres élèves de mon degré à ma droite. [...]
- Salut! leur dis-je.
Ils me saluent en retour en choeur.
- Hé les secondaire un, c'est là.
Ça, c'est bien ... Il me dit ça en pointant la file d'attente des secondaire un. Il est toujours en train de sortir des
jokes poches mais je ne peux m'empêcher d'esquisser un sourire. Je ne roule même pas les yeux. Il continue de me sourire.
- Argh! Il dit ça à tout le monde, intervient une des filles.
- Oui mais ELLE la connaît pas donc ELLE trouve ça drôle, se défend-t-il.
Mon pauvre petit (euh grand) ...! Je ne suis pas vraiment une référence! Je ris de toutes les
jokes plates que tu fais. Mais bon, tu fais pitié donc je ne le préciserai pas.
Je l'observe discrètement. Ses cheveux ont définitivement allongé. Finalement, on dirait que sa mère a décidé de ne pas les faire couper. (Elle se charge toujours de l'envoyer chez le coiffeur... et ... bien, personnellement, je le préfère avec les cheveux longs.) Il a un peu laissé pousser son pinch. Il n'a pas vraiment grandi (tant mieux, il dépasse déjà les six pieds) mais il a gagné de la carrure aux épaules. Il me semble qu'il pourrait envelopper tout mon corps dans ses bras. Ça y est... mes pensées dévient vers la chaleur que dégage ce garçon. Calme toi, Wild Child, tu ne l'aimes plus.
D'ailleurs, je ne m'attendais vraiment pas à le trouver là. J'ai dû rassembler tout mon sang froid pour paraître neutre à sa présence. Mais maintenant que j'y pense, mes nerfs commencent à se tendre. Mon coeur est déjà en plein marathon. Il commence à faire chaud, non?
- Y'est quelle heure? demande l'autre fille.
- Neuf heures et demi, répond la même que tantôt.
- On devrait y aller, suggère-t-elle.
- Ouais, acquiesçons-nous tous.
Je les suis juaqu'à la salle de conférence. C'est une des seules salles climatisées de l'école. Les chaises sont toutes moelleuses, ajustables et confortables. Je m'assois dans l'une d'elles et remarque un casque bleu sur la table ovale devant moi. Son casque de scooter.
À ce moment, il le saisit et le place devant lui sur le côté de la table. Je me sens mal à l'aise. Certes, ce sont des personnes que je côtoyais quotidiennement à l'école mais je ne leur parlais pas souvent. J'ai hâte que Sophie arrive.
*